Quand elle est née, Freyja, on s'attendait déjà à ce qu'elle apporte la lune sur Terre. Qu'elle fasse des miracles, qu'elle soit douée à l'école, et surtout, qu'elle ait un métier qui rapporte gros. Qu'elle soit la parfaite gamine dont chaque parent rêve. De l'aide émotionnelle, un support...

En quelque sorte.

Elle est la seule enfant de sa mère. Mère qui fut laissée seule avec l'enfant par le père qui visiblement ne voulait pas de l'enfant d'une femme qui n'est pas la sienne. Un coup d'un soir qui a mal tourné, disait-il. Une erreur, tromper sa femme, qu'il n'allait pas refaire. Peu importe ce que sa pauvre mère disait, ça ne changerait pas son point de vue: Il ne voulait rien savoir de l'enfant.

Rien.

Sa mère était une femme désespérée, toujours en manque d'argent. Qui dépensait dès qu'elle recevait. Au fond, Frey savait qu'elle n'était pas bien méchante, seulement au fond de plusieurs trous qu'elle ne pouvait pas vraiment comprendre à l'époque.

Sa mère s'attendait à beaucoup d'elle, et la vantait beaucoup pour son intelligence. « Regardez comme ma fille est fûtée! Si intelligente! Elle deviendra médecin, un jour! Ou quelque chose de mieux encore! Ah ça j'en suis certaine! Ma belle Freyja! Ma fierté! » Au fond, elle s'attendait sûrement à ce que Freyja la sorte de son trou. Elle était très verbale là-dessus, sans même s'en rendre compte. À tout mettre sur le dos de sa fille, comme si elle allait la sauver. Comme si, grâce à elle, tout irait mieux. Elle la chouchoutait, l'aimait fort, lui disait à quel point elle l'aimait... mais malheureusement, les intensions derrières, mêmes involontaires, ne furent pas du meilleur effet.

Juste dire qu'on aime ne veux pas dire qu'on aime. C'pas comme ça que ça marche, malheureusement.

Sa mère aura tout fait pour qu'elle apprenne plein de choses, afin d'ouvrir le plus de portes possibles. Cours de codage, cours de méchanique, selon-elle, sa fille était assez intelligente pour toutes ces activités. Ce sont les deux seuls dont elle se souvient, puisqu'ils étaient ses préférés. Son horaire était toujours bien rempli. Un peu trop, dira-t-on, mais sa mère était si, si fière... comment faire autrement? Pourquoi faire autrement? Pour elle, rien n'était mal. Elle aidait sa mère, qui elle la faisait vivre en retour. Elle allait sauver sa mère, c'était le plus important. Ou du moins, c'était ce qu'elle se disait dans ses plus jeunes années. Pour elle, c'était normal de faire ça.

Mais c'est avec tous ses cours liés au codage qu'elle n'eut le choix d'avoir son tout premier ordinateur, juste pour elle. Ce fut toute une découverte.

C'est en découvrant le monde magique d'Internet qu'elle réalisa, lentement mais sûrement, à quel point son monde en entier était... toxique. C'est sur des mmos qu'elle rencontra ses vrais premiers amis, trop occupée par le passé pour maintenir une quelconque relation stable, sur Internet en général qu'elle a commencé à jouer et à jouer, à lâcher prise. Elle s'est forgée son premier avatar en ligne, qui poste des memes et autres trucs stupides, au début de son adolescence, qui ne gagna en popularité que bien plus tard.

Elle ne dormait plus, bossait moins. Mais elle se sentait... tellement mieux. Comme si tout s'expliquait. Libérée, dans un sens. Son pc, c'était toute sa vie. Elle explosait de colère si on lui enlevait. Ses memes, ses jeux, ses amis-- c'était sa porte de sortie vers un monde meilleur. Quelque chose de mieux, de plus beau, plus sain.

C'est pourquoi elle s'y est enfermée.

Elle sortait tout le temps, ou alors restait enfermée dans sa chambre. Ne se souciait plus de rien qui concernait son avenir, sa mère, son futur. Lâchait prise au possible. Sa mère s'inquiétait, la disputait pour ses notes. Ne comprenait pas pourquoi sa fille avait autant changé du jour au lendemain. Ses amis, même s'ils venaient des quatre coins de la région, même du monde, la poussaient à sortir, à s'ouvrir, à se détendre et s'amuser. Ils lui ont montré ce que sa mère n'avait jamais pu faire: À se respecter soi-même. Enfin. Les mauvaises habitudes ont commencé aussi... mais c'était mieux que rien.

Les disputes avec sa mère étaient de plus en plus fréquentes et explosives. Lorsqu'elle lui demandait de travailler, elle faisait n'importe quoi avec ses créations. L'école, elle oubliait ça. Elle aimait beaucoup sa mère, au fond, mais elle savait que cette relation n'allait mener à rien de bon pour ni l'une, ni l'autre. À ses 16 ans, après une grosse dispute explosive où elle lâcha officiellement ses quatre vérités à sa mère, comme quoi elle n'était ni un objet, ni support émotionnel, ni rien d'autre... elle décida donc d'abandonner... et de foutre le camp chez un de ses meilleurs amis, à Northëra. Plus rien. Elle se coupa de sa mère, son monde pendant tout le début de sa vie. Ce serait mieux pour toutes les deux.

Ce ne fut pas facile. Elle fit beaucoup de cauchemars comme quoi elle allait venir la chercher. Ou comme quoi elle l'abandonnait. Au fond, elle aimait toujours beaucoup sa mère; elle n'avait pas été que méchante. Loin de là. Seulement... maladroite. Toxique même sans forcément s'en rendre compte.

Enfin libre, au moins, elle put commencer à s'ouvrir de plus en plus et montrer ses vraies couleurs au monde... et surtout, à elle-même. Colorée, fun, active, énergique, elle l'avait toujours été mais l'éclat dans ses yeux n'était plus du tout le même. Plus vrai, plus vif. Elle rencontra son tout premier pokémon, Newel l'Anchwatts, à ce moment là de sa vie. En signe de nouveau départ, nouveau partenaire de vie. Son pokémon la fascinait et l'amusait beaucoup. Elle s'entraîna à fond avec lui, voyageant beaucoup au passage, avant d'être élue championne électrique de la ville quelques mois après: Apparemment, elle avait le potentiel d'être une dresseuse formidable, en plus d'une énergie qui donnaît un vent de fraîcheur à la ville. C'était devenue une nouvelle passion: Toute cette liberté, c'était franchement beau. Elle l'est toujours aujourd'hui, à 21 ans, son pokémon maintenant devenu un Lampéroie.

La Tempête de Northëra est désormais aussi connue parmi les dresseurs de la région que sur le net. Elle n'ose pas reprendre contact avec sa mère, mais espère tout de même qu'elle va mieux. C'est le mieux qu'elle puisse lui offrir, malgré ses grandes attentes initiales.