"Aussi loin que je me souviens, je crois que j’ai toujours senti cette odeur. Celle de l'eau de mer, de la saumure et du poisson en train de sécher. "  

Anders est né dans un petit hameau dans une hanse proche de la baie des Lovdisk, une simple avancée de l’océan qui a creusé dans la roche. Un hameau sans nom, mais que l’habitude avait fini par nommer du nom de sa famille tant celle-ci était majoritaire. Les lointains ancêtres de Anders s’étaient installés ici car la zone de pêche était favorable. Des années et des années durant, la vie de la famille, et du hameau par extension, avait continué cette activité, construisant un petit port, un entrepôt et un gîte pour les touristes, les agrandissant au fur et à mesure des générations.  

Le garçon ne connaissait que cette vie, son horizon était alors cette hanse, la mer son terrain de jeu. Car depuis l’enfance, il passait la plupart de son temps sur les embarcations de sa famille, reconnaissables au logo de Bekipan coiffé d’un chapeau de capitaine et faisant un clin d’œil complice. Il aidait les pécheurs, vidant les poissons ou remontant les lignes.    

Loin de tout, dans une bulle, entouré des gens qui l’aiment, de son père pécheur, de sa mère qui gérait le gite, de ses oncles, tantes et cousins, Anders aurait pu rester là toute sa vie. Du moins c’est ce qu’il se disait.  

Mais la création de la ligue nétovienne avait changé les choses, pas d’un seul coup, mais peu à peu. Plus de touristes venaient jusqu’à eux, en quête de gloire et de conquête dans cette nouvelle ligue, à la recherche des Pokémons qui peuplaient ces rivages pour les capturer ou pour s’entrainer.    

Cela avait irrémédiablement allumé une envie, une flamme chez les Gustafson. Ses cousins, plus âgés, avaient pris la route dans l’objectif de faire le tour des arènes de l’île ou bien pour rejoindre l’Empire afin de voir du pays. D’autres avaient sauté le pas, partant à la conquête d’Unys, Kanto ou autre. Pendant ce temps, Anders restait à quai. Trop jeune, Anders lui ne souhaitait alors qu’une chose, continuer de vivre dans cette bulle d’habitudes, de confort.  

Il avait continué sa vie paisible, les saisons passant dans la hanse, les Pokémons migrateurs annonçant l’arrivée du printemps ou de l’hiver. Anders continuait de grandir, prenant des responsabilités dans de nouvelles tâches afin d’être prêt à devenir un vrai marin.    

Le destin en a décidé autrement, venant percer la bulle dans laquelle il vivait, par l’arrivée de Bakki dans sa vie. Ça aurait pu être une journée normale, à arpenter la plage à marée basse pour nettoyer les quelques détritus qui apparaissaient çà et là ou pour aider les Magicarpe coincé sur le sable à regagner le large. Il avait entendu un bruit faible, un appel. Il l’avait trouvé là dans ce qui ressemblait à une vase formée de pollution. Le petit Grenousse respirait difficilement, s’enfonçant dans la boue visqueuse à mesure qu’il se débattait.    

Sans réfléchir, Anders entra dans le miasme, découvrant çà et là des déchets alimentaires, des restes de filets de pêche, l’odeur était insoutenable. Le garçon avançait prudemment pour éviter de glisser sur un déchet coincé là. Comment tout cela avait pu s’accumuler si près de chez lui ? Innocent, il ne se doutait pas que même les marins qui l’entouraient depuis petit pouvaient avoir leur part de responsabilité, ni que des navires en mers avaient pu jeter impunément leurs détritus par-dessus bord. Les courants marins faisant le reste jusqu’à ce qu’ils se retrouvent coincé dans la hanse.  

Il finit par atteindre la petite créature et la sortit aussi délicatement que possible du piège dans lequel elle se trouvait. Depuis combien de temps était-il coincé là ? Il fonça auprès de sa mère qui comprit immédiatement la situation en voyant le Grenousse dans les bras de son fils. Les soins durèrent plusieurs jours, le Pokémon, d’abord craintif et fuyant, ça faisait de la peine de le voir se recroqueviller dans un coin de la pièce, alerte au moindre bruit et plaintif quand quelqu’un l’approchait. Il ne se laissa faire que lorsqu’il comprit que le garçon était là pour l’aider en libérant sa patte d’un morceau de filet qui se resserrait petit à petit.  

Il était toujours faible et alité, si son aspect semblait meilleur, il était possible que le mal couve encore à l’intérieur. Andy était comme paralysé, les poings serrés et les sanglots dans la voix, ne sachant que faire. Sa mère lui remit une Pokéball, l’enjoignant à amener son futur premier partenaire au Centre Pokémon le plus proche. Sans prendre le temps d’y réfléchir, le garçon fit rentrer le Pokémon affaiblit et fonça hors de la maison, hors du hameau, jusqu’à Nuxvar.  

L’attente fut longue, Andy ne saurait dire combien de pas il avait fait, à tourner en rond dans le centre Pokémon. Il ne put se rappeler que d’une chose, le bruit d’une alerte à la télévision de la salle d’attente. Le garçon a subi de plein fouet et sans le filtre d’un parent pour le protéger les images de l’attaque de Frimaria. Il avait vu les feux, les pleurs de cet attentat à l’autre bout du pays. Impuissant, il s’assit pour suivre le récapitulatif des événements. Il n’avait que la parole des médias, lui qui avait vécu protégé de tout ça dans la hanse finalement, loin des tractations de l’empire ou des exactions de la team Boréal. Anders prenait tout de plein fouet. Une foule de questions résonnait dans sa tête, pourquoi avoir déchainé les enfers lors de cette fête qui rassemblait toute la communauté de Netovia ?  

L’image de la pollution dans la hanse lui revenait sans qu’il sache faire le lien, sans doute son subconscient faisait son office, se rappelant de discussions entre adultes qu’il avait pu entendre mentionnant les terroristes et les rumeurs les entourant suite aux événements de Smokebay. Face à l’adversité, Anders sentait son poing se serrer, d’un mélange de peur, de colère, mais aussi teinté d’espoir face à ce qui lui parvenait à travers l'écran, les habitants de l'île se releveront.  Et il aiderait autant que possible.

Ils purent sauver Bakki, enlevant toute cette pression sur les épaules du nouveau dresseur. Ils rentrèrent à la maison où plusieurs jours passèrent afin de s’assurer que le petit Pokémon était bien remis.  

Vint ensuite le moment des au revoir, mais à la surprise d’Anders, le Grenousse chétif resta sur le pas de la porte, tournant ses yeux vers Anders pour voir si celui-ci allait le suivre. Le garçon répondit par la négative, comme il l’avait fait quand les autres jeunes de sa famille avaient quitté le hameau. Cette fois, quelqu’un avait décidé de le pousser à accepter. En effet, fronçant les yeux, le petit Pokémon resta là, attendant que le jeune garçon le suive. C’était un ordre.  

"Oui, je n’ai toujours connu que ces odeurs, ces paysages... Et je ne les connais même pas vraiment ! Il est peut-être temps qu'on en découvre d’autres, tu en penses quoi Bakki ?"