Tu n'as pas eu une vie compliquée jusqu'à présent. Tu es né à Unys, loin de la grande ville, un peu en retrait, aux frontières d'une campagne active et florissante dans un élevage de Wattouat. Tu avais ta petite école, tu avais tes amis, ta mère et ton père. Une petite vie tranquille en soi Chez toi, ça sentait pas la rose, c'est vrai. Ça chantait et beuglait tôt le matin, ça ruminait du foin et de l'herbe à foison. Une vie paisible, dans un coin paisible, d'une ville paisible et sans histoire. Puis un jour, ton père en a eu marre. Lui, son délire, c'était l'aventure. Maman disait qu'il avait la bougeotte, et c'était vrai. Mais pensez-vous, il n'était ni aventurier, ni explorateur. Ni quoi que ce soit de super-cool comme ça. C'était juste un type lambda, un papa aimant, qui aimait passer du temps avec son fils, qui lui apprenait à compte les étoiles, à faire de la randonnée en montagne et faire des pokedex en papier.

Tu adorais ton père. Je n'irais pas jusqu'à dire que tu n'avais pas d'amis, parce que tu faisais partie d'un petit groupe soudé, mais ton père... ton père c'était ton meilleur ami. C'était le plus fort, le plus marrant, le plus gentil. Ton père c'était ton confident, ton modèle, ton rôle à suivre. Quand tu disais vouloir être un super héros quand tu serais grand, tu parlais de devenir comme lui. Sa peau rugueuse, son parfum, sa barbe qui pique, ses grosses mains, ses jambes poilus et ses larges épaules. Papa il était cool. Papa il était drôle. Mais tu sentais que papa était malheureux... Il ne le montrait jamais parce qu'il avait le sourire facile et savait cacher le mal en soi comme personne, mais, même tout petit, tu n'étais pas dupe.

Quelque chose n'allait plus.

Un jour ce dernier était revenu avec une nouvelle qui allait tout changer. Rêvant depuis toujours de voyage, il obtint auprès d'un ancien camarade d'université, un poste au sein d'une volière primée, spécialisé dans les pokémon de type vol. Mais pas n'importe quel élevage, non. Un élevage de type vole de selle (Pokémon propre à être monté par un cavalier) élevés et sélectionnés pour la pratique de sports de vitesse. Alors la famille a déménagé. Adieu la campagne, adieu Unys. Adieu... vie tranquille.

Nouveau départ à Galar ! Nouvelle vie, nouveaux amis, nouvelle routine. La routine ça ne t'a jamais fais peur. C'est que tu n'étais pas du genre à te poser trop de questions. La vie venait, on l'embrassait ou on grognait, rien de plus, rien de moins. Et cette nouvelle vie avait tellement à t'offrir !

En tout cas, il y avait une chose sur laquelle tu étais sûr et certain ; ton père allait mieux. Changer d'air, voyager, recommencer, ça lui avait redonné le sourire, le vrai. Papa allait donc à ce nouveau travail, fier et digne. La vie reprenait doucement son rythme et de fil en aiguille, attiré par l'atmosphère des courses, tu finis par y prendre goût. Tu rejoins un club, te fais les dents sur de petits pokemons et plus tard, accompagnes ton père à l’éducation de ton propre compagnon de course. De Roucool à Roucarnage, de simple pokemon à partenaire, Pat et toi gravissez les échelons. De la catégories Benjamine à celle des Juniors, avant d'atteindre le rang professionnel vers tes 21 ans.

Les courses de vitesse deviennent alors toute ta vie.



La vitesse, l’adrénaline, les plongeons spectaculaires et surtout, le dépassement de soi.  Cette plaisante sensation de perdre pied, de quitter le sol pour fendre les airs, pour ne faire qu’un avec le vent, qu'un avec le ciel. De se sentir autant humain que pokemon, de braver l'impossible, de feinter le destin et de se jouer de la chance.

Des sensations uniques... qui aujourd'hui te laissent un goût amer.


Te voilà dans le starting bloc.  Le souffle court et le regard vif, tu observes tes adversaires avec vanité. Tu resserres ton emprise sur les rennes de ton Roucarnage, ajuste tes pieds aux étriers et viens doucement flatter son beau plumage. Lui et toi, c’est une longue histoire. Une histoire relativement simple, faite de hauts et de bas, mais surtout de gloire et de succès !

En général, il est coutume chez un pilote d’avoir au moins deux à trois montures en cas de problèmes techniques, mais tu n’as toujours compté que sur ton plus fidèle destrier, un grand Roucarnage du nom de Pat. Aujourd’hui il n’est pas question de grand prix, mais plutôt d’une course de placement. Une routine que tu ne connais que trop bien pour en avoir fait plus d’une cinquantaine. Surtout sur ce circuit que tu connais par cœur et qui est de loin ton préféré. Légèrement en bordure du grand Désert Délassant de la région, s’élève un impressionnant canyon, un labyrinthe de roches rouges surplombé d'un soleil de plomb. C’est ici que vous allez passer trente minutes de pur bonheur à slalomer entre les piliers de mère nature, à risquer vos vies dans des couloirs étroits et si Arceus le veut, en sortir victorieux !

Dans les gradins, sur ta droite, des amis. Ils te font signe mais tu n'oses répondre. Ils crient ton nom, soulèvent panneaux et banderoles pour t’encourager et toi tu souris, bêtement, levant le pouce comme pour signer ta prochaine victoire. Cela va faire cinq ans que tu es l’un des challengers le plus redouté du championnat. Tu as déjà fait tes preuves et nombreux serais ceux qui te surveillent de près, notamment les sponsors. Hier encore tu étais avec Pat aux studios d'Elecsprint Arts pour confirmer ton apparition dans leur nouvel opus ; Need For Rush 2 sur arcades et consoles.

Tu reprends ta concentration, réglant les derniers paramètres à ton poignet – à savoir ton bracelet où se trouve ta Megastone. Tu inspires profondément et viens te coller au dos de ton Roucarnage. Le silence retombe et tu n’as plus d’yeux que pour le feu rouge se trouvant droit devant toi. Tout autour, de grands champions, chevauchants leur meilleurs pokemon. C’est de mémoire que tu te les énumères, deux Dracaufeu, un Drattak et un Ptera. Tu ne sais pas si c’est le soleil qui fait monter ta température ou simplement le souffle cramoisi du Dracaufeu se trouvant sur ta gauche mais en tout cas la tension est à son comble.

Et c'est le top départ. Du rouge, le néon passe au vert et tous les participants prennent immédiatement leur envol. Ton décollage est moyen, tu as pris du retard et le Drattak (le plus redoutable du groupe) a pris les devants. Tu n'arrives pas à distinguer les formes de tes adversaires tant le nuage de poussières soulever par ces derniers est épais.  Mais peu importe, vous finirez par les rattraper. Au premier tour, tu te places quatrième en tenaille avec l’un des deux Dracaufeu. Mais pas pour longtemps car, beaucoup trop impatient, tu actives ta MegaGemme et doubles le starter par le côté.

Puis l’impact. Soudain, fracassant et surtout bruyant. Un tonnerre d’os qui se brisent, de crânes qui se fêlent. Une mélodie en écho macabre qui suinte les crevasses du labyrinthe. Le Roucarnage était lancé à une telle vitesse qu’il ne restait de lui qu’un ramassis de plumes sur un corps désarticulé et collé sur la paroi. Sa tête était rentrée dans son thorax, ses ailes s’étaient retournées et l’une de ses pattes s’était totalement arrachée au choc. Quant à toi… Ta combinaison et ton casque t’avaient visiblement sauvé la vie, mais tout comme ton pokemon, tu as senti une grande partie de tes os se faire réduire en cendres.  Dans la précipitation, tu avais eu le réflexe de placer ton bras droit devant toi, tandis que le gauche était resté sur les rennes de ton partenaire. À la vision de ce dernier, complètement réduit en charpie, encore tenu par des morceaux de peaux déchiquetées et des ligaments un peu trop solides, tu perds connaissance et manques de chuter cinquante mètres plus bas.


Aujourd’hui, après avoir fait l’objet d’un buzz médiatique du monde pokémon et surtout d'une réhabilitation pendant un an et cinq mois, tu foules pour la première fois les terres de cette région. Il s'agissait là d'une cure émotionnelle supposer te permettre de t'évader, de te vider la tête, loin des paparazzi, loin des grandes régions. Une idée de ta mère. Ton père dans tout ça ? Il refuse de te parler, de te faire face. Maman dit qu'il a besoin de temps et à vrai dire... tu ne comprends pas trop pourquoi. Ainsi, on ta laissé ici, comme un grand, avec quelque directives, des adresses, des noms et autres formalités pour t'aiguiller vers quelque chose de nouveau, quelque chose susceptible de te faire renaitre de tes cendres.

C'était donc ça le plan, prendre le large, oublier l'accident, tout en continuant de prendre soin de toi... Tu parles d'un plan... Vivement que tu rentres en Unys pour y retrouver Pat et recommencer les courses... !