Je suis né dans la région de Galar, fils d’une simple famille. Une vie des plus normales, sans précédent, sans avenir de gloire. Simplement des gens qui se fondent dans la société galarienne. À l’école, je n’ai jamais été populaire mais pas non un souffre-douleur, un simple élève avec quelques amis pour jouer au foot, prendre le goûter au parc. Rien de moi n'était exceptionnel, j’étais tout ce qu’il y avait de plus banal dans une vie. Un enfant heureux tout simplement.

Mais lors de mes dix ans, ma vie a soudainement tourné au drame durant une nuit. Une explosion retentit dans la maison, mettant alors le feu dans celle-ci, tuant mes parents et mes deux sœurs, me laissant alors orphelin. Malheureusement, je ne m’en sortis pas indemne, plusieurs fractures des côtes et des jambes ainsi qu’une partie de mon corps brûlé à vif. Je restais plus de deux semaines dans le coma.

Dès lors de mon réveil, ce fût de longs mois à contempler le mur blanc en face de mon lit d’hôpital, le pas incessant des infirmiers et des visiteurs dans les couloirs, et les longs discours des médecins à mon propos. Je pense avoir grandi entre ces murs où l’odeur âcre du désinfectant m’emplissait les narines avec pour seule compagnie des étrangers venant m’ausculter.

Ma hanche me faisait atrocement souffrir alors que je commençais peu à peu à perdre les sensations d’un côté de mon visage. J’avais souvent mal, je me tordais de douleur durant les nuits, hurlant et pleurant dans l’obscurité de ma chambre d’hôpital. Seuls les bras des infirmières me donnaient un peu de chaleur, de protection car à chaque instant, j’avais l’impression que les flammes de l’enfer venaient un peu plus me laper la peau, que le bruit d’une guerre m’arrachait chaque membre de mon corps.

Et lorsque la morphine entrait dans mes veines, je ne pouvais qu’admirer l’extérieur de la fenêtre, unique spectacle loin de mes blessures, des passants, marchant tout en ignorant que derrière cette baie vitrée, je me tenais assis, désirant de leur vie qui semblait si parfaite. Si cet incendie ne s’était fait, j'aurais pu être l’un d’eux, marchant joyeusement pour rejoindre mon école et mes amis.

Amis que j’ai finalement perdu au fur à mesure que le temps passait. Certains étaient venus, durant les premiers jours, m’offrant cadeaux et compagnie mais qui, au final, venaient de moins en moins souvent jusqu’à ne plus venir du tout. De cette solitude, je me recoubais un peu plus dans ma douleur émotionnelle, étalant cette douleur sur toile.

Puis vint la réhabilitation, hors de ma chaise roulante, des exercices difficiles où la douleur cinglante de mes hanches me faisait grimacer. Les thérapies dans la piscine étaient bien les seules que je pouvais accepter, faisant envoler ces deux longues années au fond de mon fauteuil le temps d’un instant. Finalement, j’appris bien plus tard que je ne pourrais plus jamais courir, sauter, ces simples choses qui font de nous des enfants.

Enfant que je ne suis plus, ayant perdu mon visage, mes jambes. Je n’étais désormais qu’un monstre lent et faible. Je priais mille fois qu’on m’achève, que cette vie de malheur s’arrête à tout jamais. De temps en temps, je me retrouvais en fauteuil roulant, d’autres fois debout, mais dont la douleur des os autrefois brisés en milles éclats me faisait tant souffrir. Je ne sais quelle est la pire agonie de ma vie, cette solitude, ce fait d’avoir tout perdu ou bien cette douleur intenable qui m’empêche d’aller de l’avant ?

Une année continua, toujours entre les murs de l’hôpital lorsque vint un étranger qui se dit oncle, frère de ma mère. Il n’a jamais eu d’enfants mais ayant entendu le sinistre désastre, il avait fait en sorte de payer mes soins médicaux pendant tout ce temps, depuis chez lui, à Netovia. Il me rapatria chez lui, faisant le nécessaire dans sa maison pour que le tout soit adapté à mes besoins. Je ne pouvais cependant me fixer dans un miroir, sans lâcher des larmes qu’il dû finalement pour la plupart enlever.

Je ne fis qu’une journée dans une école, apeuré par cette foule qui m’observait, se moquait. Je n’avais plus ma place, plus d’endroit où aller. C’est ainsi que je me suis mis à m’enfermer dans ma chambre, volets semi-fermés, à peindre des toiles, mon échappatoire à cette vie de peine. Mon oncle avait tout fait pour me faire sourire, rire, m’offrir un peu de bonheur dans ce monde qui me terrifiait. Il trouva même un petit renard blanc, pour une thérapie, pour que je ne sois plus seul.

Pourtant, je ne me sentais à l’aise, continuant à me morfondre un peu plus de ma misérable existence. Ne trouvant autre moyen, mon oncle décida de m’envoyer dans une petite maison en compagnie d’autres gens, en colocation. De l’autre, il me trouva même une école d’art puisque mes tableaux étaient exceptionnels, disait-il. Bien sûr, je n’ai jamais mis le pied dans cet établissement, de peur que mon visage soit dévoilé.

Je reste encore dans cette chambre, je n’ose sortir dans le couloir pour croiser mon voisin de chambre et jamais je ne le fixe. Toujours tête baissé, laissant mes cheveux tomber sur mes yeux, je me laisse diriger vers la cuisine et la salle de bain. Je ne veux pas. Je ne veux juste pas qu’on me voit...