Les pieds dans l'eau, le regard vers l'horizon, la championne observe l'eau, dans la lune, alors qu'elle ne tarde à apparaître dans le ciel. Si les temps sont plus chauds, le sien est depuis les attentats restés bien enfoncé dans les tempêtes hivernales. C'est la première fois qu'elle sort aussi loin de chez elle, à vrai dire, depuis ce qui s'est passé. Elle s'est enfin convaincue elle-même qu'un peu d'air frais allait lui faire du bien, allait lui permettre de remettre ses idées en place.

Travailler lorsque le corps n'y arrive plus n'est pas du travail, mais une perte de temps. Elle s'est donc autorisé une petite pause afin de recommencer à travailler efficacement plus tard.

La mine aussi basse que ses cernes sont lourdes, elle est entourée de sa pichu et son ohmassacre, qui la surveillent de près... enfin, ohmassacre surveille, pichu joue. Il est un peu tard, donc elle s'assure d'être bien entourée afin que personne ne l'attaque dans son dos... mais bon, si elle est venue si tard, c'est aussi pour éviter les foules. Il ne fait pas encore noir, donc elle voit encore bien, mais ce n'est pas l'heure optimale pour les couples qui se smoochent sans arrêt.

La baie des lovdiscs n'est pas un endroit auquel elle pensait aller un jour dans sa vie, elle est encrée dans son célibat et les types eaux étaient la spécialité d'une partie de son âme qui l'a quittée pour Alola, mais elle se dit qu'à quelque part, s'il y a bien quelque chose qui pourrait la rapprocher de son ami pourtant si loin... ce serait bien un lanturn.

Électrique, eau. On trouve des moyens d'aller mieux comme on peut.

Le son de l'eau, c'est apaisant, tout de même. C'est fou à quel point le monde est silencieux comparé à la ville électrique, sans cesse sous les grondements du ciel. La championne elle-même est est toujours prise au dépourvu face silence qui règne sous les ciels moins agités; où les seuls sons sont les vagues sous ses pieds et le vent qui les pousse. Elle n'en a pas l'habitude, chaque son externe ne semble qu'amplifié; Doren qui rit en faisant un semblant de château de sable, sa propre respiration, la présence en constante lévitation de Newel...

L'ambiance est tellement différente de chez elle, en mal comme en bien. D'un côté, c'est apaisant, mais...

... Un sursaut. Elle entend la créature qui s'approche, la nouvelle présence à leurs côtés, qui entre dans ses oreilles sans la moindre interférence. C'est d'un œil las et épuisé qui s'écarquille au premier contact qu'elle voit ce qui s'approche avec son énorme caillou des eaux, attirant son regard de ses petits bruits et lui tendant la dite roche-- un cadeau, sûrement.

Un flingouste. Le pokémon de Kai. Sa forme petite, du moins.

Le barrage se casse, emplissant ses yeux d'une rivière qu'elle peine à contenir alors que la toute petite présence ne tente que de l'aider à aller mieux. Trop tôt. Trop tôt pour voir ce pokémon en particulier. Trop tôt. Mais elle sourit, sourit alors que sa vision s'embrouille, ses genoux venant se poser au sol pour être un peu plus à la hauteur du si petit bonhomme. La voix qui tremble, elle passe les mains dans son visage pour tenter de cacher ce qui s'accumule depuis l'hiver, comme la glace qui fond au printemps. Un temps de silence tout d'abord, les mots s'accumulent au fond de sa gorge mais ne sortent pas, la boule de mots lui serre les cordes vocales.

« Pardon, pardon... bonjour mon t-tout p'tit... merci, merci... tu es si gentil. C'est un... c'est un si joli cadeau. C'est adorable... »

Elle renifle, levant la tête au ciel comme si ça allait stopper quoique ce soit, alors que Newel et Doren s'installent à ses côtés, d'une grosse patte sur son épaule et deux petites sur sa cuisse, tout deux observant le cadeau du flingouste. Doren est totalement ravie du cadeau, et semble le montrer à Freyja, sautillante-- dis, dis, maman, tu as vu le beau cadeau ? L'ohmassacre, lui, est concentré sur maman, à passer ses grosses pattes dans son dos.

« C-C'est bon... ça va, p-pardon... tu me faisais penser à un ami à moi, qui est parti bien... bien bien loin, désolée... ce n'est pas de t-ta faute. Pardon, pardon. J'arrête... »

Elle renifle encore, reposant son regard des océans sur le petit flingouste, si gentil, si doux, Kai l'aurait adoré, elle en est certaine. Elle n'arrête pas aussi vite qu'elle le voudrait, c'est gênant.

Pouic pouic pouic. Le petit flingouste est bavard, discute avec la championne qui tente tant bien que mal de se retenir pour ne pas se désydrater à la vitesse de l'éclair. Elle ne s'est que très peu donné l'autorisation, ni même le temps, de vider le surplus des émotions refoulées qu'elle traîne comme un boulet depuis Noël. Comme si tout allait bien, comme si elle ne ressentait rien. Un vide qui gonflait jusqu'à prendre toute la place par le travail acharné. Protéger la tour. Protéger la ville. Protéger la population. Protéger Netovia. Par volonté de faire sa part en tant que championne, une part peut-être bien trop grande pour une simple personne. Mais à quoi bon se lamenter sur son sort? N'est-ce pas égoïste avec ce que le peuple a subi? La mort, les deuils, la souffrance gratuite?

Elle n'a pas de mots pour ça. Sans doute la fatigue.

Il semble avoir vu qu'elle galère alors qu'il vient de lui offrir un si beau caillou, même pas capable d'être reconnaissante cette pétasse, donc il retourne dans l'eau, ce qui la laisse un peu bouche-bée.

« Hé mais... attend ! Part pas s'il te plaît, je vais arrêter, désolée... »

... Fin de la capture ?

Ah non, c'est bon, fausse alerte, c'est juste sa fatigue et son anxiété qui lui donne l'impression que tout est de sa faute et que tout le monde la déteste alors que non. Il revient bien vite avec un nouveau cadeau à lui donner, directement devant ses genoux, ce qui la fait doucement sourire alors qu'elle passe les mains sur ses joues pour effacer les traces de son instant de vulnérabilité-- toute cette gentillesse lui réchauffe le cœur, lui donne l'impression d'être entendue. Une magnifique pierre, qu'elle n'est pas capable d'identifier car ce n'est pas dans ses cordes, mais ce que ses cordes lui disent c'est que c'est un magnifique cadeau.

« Merci... c'est si gentil de ta part. Je vais les garder précieusement. »

Elle les prend dans ses mains, pour ensuite les déposer sur ses genoux. Doren semble totalement captivée par ces belles pierres qui brillent alors que Newel retourne à son observation des alentours-- Freyja va mieux, c'est le plus important.

« Tu as beaucoup de talent pour trouver les plus belles choses dans la baie, un bien beau reflet de ce que tu es à l'intérieur. N'oublie jamais ça, je vais beaucoup mieux grâce à toi. »

Enfin, aller mieux est un bien grand mot, mais sur l'instant, elle est profondément touchée par le petit pokémon en face d'elle donc c'est au moins un agréable état d'esprit qu'elle a sur le moment, ce qui n'est que très rarement le cas ces derniers temps, donc on prend ce qu'on nous donne: Un sourire est une petit pas mais une bien grande victoire.

« Comme c'est la moindre des choses de se présenter à nos nouveaux amis... je m'appelle Freyja, je suis enchantée de rencontrer un si gentil flingouste. »

Si elle était une dame flingouste, ce serait le mariage assuré. Là, là, maintenant. Un beau mariage de flingoustes heureux avec le plus gentil et adorable de tous les flingoustes. La vie serait plus simple sous l'océan où tout le monde est heureux, mais c'est clairement pas son cas, à elle, l'humaine qui en a beaucoup trop sur les épaules. Par chance, l'adorable bébé lui mets plein de jolies pierres sur les cuisses pour compenser. Elle sent beaucoup moins la lourdeur qui lui écrase le dos, comme effacée, momentanément. Elle ne comprend pas d'où vient ce pokémon, ni pourquoi il est si gentil avec elle, mais c'est clairement un coup du destin. Une bonne étoile la regarde, après tout ce temps.

Elle arrive à comprendre ce qu'il lui dit avec ses pierres et ça la touche énormément. Elle ne s'est jamais sentie aussi moche et molle comme une larve de sa vie, épuisée et clairement négligée, alors qu'un pokémon si doux lui dise qu'elle est belle? C'est presque irréel. On dirait presque que c'est Kai qui l'a envoyé, juste pour elle, pour la rassurer, être là à ses côtés, pour qu'elle se sente belle et aimée, et surtout, accompagnée. Elle lui serre la pince, tout doucement.

« Tu es si gentil, merci. Je ne sais pas quoi dire... je suis touchée. Si touchée. »

Elle se penche vers lui pour lui faire un doux baiser sur son petit front adorable de flingouste, entre ses antennes. Lorsqu'elle se relève, elle sort une pokéball de son sac, totalement attendrie. Ce n'est pas un type électrique, mais comme Narcisse, son amour est bien plus grand qu'un type. Une piscine ? Oh, oui. Une belle grande piscine creusée dans son sous-sol, juste pour lui, avec des plantes, des lumières, tout ce qu'il souhaite. Il pourra s'installer sur son épaule, elle le protègera de la foudre et de tout le reste. Il ne mérite que du bien, de l'amour et de la tendresse.

« Je sais que je ne suis pas dans le meilleur des états présentement... mais tu es un véritable rayon de soleil dans toute cette noirceur. Je crois bien que c'est la première fois que je me sens... bien depuis des semaines... et c'est grâce à toi. Merci. »

Elle lui montre la pokéball, toute belle et toute rouge, qu'elle tient tout doucement dans sa main. S'il lui a offert les plus belles pierres des océans, elle lui offre une place dans son cœur. Moins tangible, mais tout aussi magnifique.

« Acceptes-tu de venir avec moi? Je promets que tu seras le plus heureux des flingoustes... tout comme moi je le serai en ta compagnie pour le restant de nos vies. »

Elle se remettrait presque à pleurer, mais là n'est plus le temps des larmes. Elle n'en a plus à verser: Elle n'a que de l'amour à donner.

C'est fou comme un pokémon peux en changer beaucoup. Elle sourit, apaisée, ne serait-ce que pour un instant. La pokéball en main, le flingouste à l'intérieur, c'est presque comme si ses soucis venaient de s'envoler au fin fond des océans. Peut-être pas pour longtemps, éphémère sentiment, mais c'est une douce chaleur qui l'envahit en cet instant même, et c'est sûrement le plus important. Opale. C'est un joli nom, pour une jolie pierre. Ce nom lui va bien. Une piscine. Elle pourra lui faire une piscine. Où ? Pas dehors, trop dangereux. Son sous-sol, tiens, dans la grande pièce de rangement qui ne lui sert franchement pas à grand chose. Les idées flottent à la surface de sa tête, remplaçant les attentats et le danger qui menacent son pays en entier, comme un rêve éveillé. Elle est un peu loin d'elle-même en cet instant. C'est reposant.

Elle le sort de sa pokéball, le prenant dans ses bras, l'observant un instant. Le petit flingouste lui rappelle Kai. Lui, parti si loin, arraché loin d'elle, loin de son poste de champion, par sa famille. Cruel destin. Est-il heureux, là-bas? Était-ce vraiment ce qu'il voulait? Elle répondra sûrement à ses lettres en revenant, il doit se sentir seul, sans la moindre de ses nouvelles. Une légère moue se dessine sur son visage. Mauvaise personne. Elle n'a pas pu répondre avant, elle n'en était pas capable, dans un état d'esprit bien trop loin sous la surface, et c'est de la culpabilité qui l'envahit alors qu'elle installe le flingouste sur son épaule.

Oui, elle répondra. Il le faut.

Des éclats d'eau la surprennent hors de sa réflexion. Eh. Un lovdisc? Le pokémon de l'amour. Les gens disent qu'ils portent bonheur aux amoureux, ce genre de choses. D'où le nom de la baie où tous les namoureux viennent se manger les amygdales. C'est bittersweet de voir un lovdisc en cet instant, though. Elle saurait pas dire pourquoi.

« Eh bah, t'as vu ça ? Notre amour est approuvé par les lovdiscs, Opale, on dirait. Ça te va, comme nom, d'ailleurs, p'tit gars ? »

POUIC POUIC. On dirait bien que oui.

« Eh bah... merci Lovdisc ! »

Elle le salue de la main, alors qu'il repart sous l'océan, éphémère petite représentation de l'amour. L'on dit qu'ils portent chance en amour, même si ce n'est clairement pas de la chance en amour qu'elle a besoin. Elle a besoin de courage pour tout le reste, l'amour... bon, ce n'est pas quelque chose qui lui traverse très souvent l'esprit. Elle n'a pas trop le temps, ni même qui que ce soit. Disons que ce n'est pas optimal.

De la lumière. Le lanturn? Ah, non, mais presque: un petit loupio, ce n'est donc pas exactement celui qu'elle cherche, malgré le fait qu'elle l'aime tout autant-- on lui a dit qu'un lanturn triste se baladait dans le coin, d'où son attention toute particulière vers l'évolution de l'électrique. Son regard attendri se vide pourtant de son éclat alors qu'il reflète les perles jaunes, fixant l'horizon. Quand elle y pense, voir la pré-évolution de Jinbei, un lovdisc et par la suite un loupio dans une même soirée, eh... ça semblerait presque être une mauvaise blague, non? Un poignard qui tourne comme un carrousel au fond de ses plaies, elle ne pourra que saigner ses regrets sur le sable de la baie. Loin d'elle pourtant l'envie d'y réfléchir trop longtemps, sa vie tourne bien assez autour des tragédies comme ça. À quoi bon se raconter des histoires qui n'auront sans doute jamais l'occasion d'avoir de premiers mots? L'absence lui est insupportable.

Elle cligne des yeux, ses pensées retournant sur ses épaules, le sable contre sa peau, son regard sur le loupio. Elle lui sourit tendrement, les électriques sont tous ses bébés, après tout. Elle n'a que de l'amour envers eux... même les plus chiants, comme Boule Magique. Eh, il a son caractère, tout simplement.

« Bonsoir mon mignon, je m'appelle Freyja. C'est gentil de venir nous voir. »

Elle se rapproche un peu de l'eau, tout doucement, pour ne pas lui faire peur, évidemment. Ce serait dommage d'effrayer une si belle créature. Électrique, en plus. Et eau. Non, Freyja. C'est con d'être venu pour trouver un eau-électrique et de ne pas vouloir y penser quand un est directement devant elle? C'est sans doute très con. Mais... elle sait pas. C'est moins agréable que prévu, même si elle sourit grand et fort pour le petit loupio. Il ne mérite pas qu'elle lui jette son désespoir à la gueule... sinon elle va se retrouver avec un autre Opale entre les pattes.

« Que nous vaut ta si charmante visite ? »

Charmante ? Car oui, elle l'est, ça va de soi. Bittersweet certes, mais charmante quand même. C'est un très beau petit loupio, sûrement très gentil aussi. Jusqu'à maintenant, le cas de tous les pokémons de la baie. Même si l'ordre des présences est relativement douteuse, la vie a un humour que la rose- enfin, avec quand même beaucoup de brun maintenant- n'a toujours pas compris. Elle ne sait pas si elle doit en rire ou pleurer, cependant.  

Il n'y a rien pour rallumer une ampoule éteinte qu'un peu d'électricité. Y'a pas à dire, les pokémons de la baie sont tout simplement adorables. Elle rit, éclaboussée, se laissant bercer par le petit pokémon tout gentil, dans l'instant présent. Elle l'éclabousse en retour avec les deux mains, vengeance amicale et joueuse. Ce qu'il est mignon ce petit, elle en perdrait presque la notion du temps... je dis bien presque, car elle l'a déjà perdue. Oups? Bah, c'est pas important.

Le temps passe, elle joue avec le loupio, paisiblement. Mais le temps avance, le temps coule, les premiers bâillements commencent à l'envahir. Bah oui, le soucis de quand on vient le soir, c'est que forcément, bah il commence à être tard et que même son horloge interne foireuse est fatiguée parfois, surtout qu'elle joue, ça épuise un peu.

« Y doit s'faire tard quand même, huh... »

Elle réfléchit un instant, les perles jaunes en reflet au fond de ses yeux. Puis, elle sort une deuxième pokéball de son sac pour lui présenter.

« Je dois retourner chez moi très bientôt... mais je trouve qu'on s'entend bien toi et moi. Tu es adorable. Tu veux rejoindre ma famille ? On pourra jouer tous les jours si tu veux. »

C'est fou comme il lui fait penser à Kai lui aussi. Hors de question de le laisser partir. Enfin. Si ? Elle a quand même un minimum de respect. Mais... mais il est si mignon, et ils ont joué, et tout ça... voilà. Elle a pas d'explications. Comme avec le flingouste, elle a juste beaucoup d'amour à donner... et bah merde, ça fait du bien d'en recevoir. Newel, Doren et Opale semblent très contents eux aussi. Un nouvel ami en plus ? Maman Freyja est géniale, il ne regrettera certainement pas.

La pokéball en main, la championne est rassurée; si le loupio semblait au départ hésiter, il a finalement décidé de l’accompagner, rejoindre sa famille pour l’éternité. Un loupio, le pokémon eau et électrique, ce qui la rapproche le plus de Kai, si loin, qui n’a pu lui parler que par lettres jusqu’à maintenant. Va-t-il bien ? Ont-ils volé son téléphone en plus de l’avoir volé d’elle, ces profonds bâtards ? Sans doute qu’elle ne le saura jamais, même si honnêtement, elle en mettrait sa main au feu. Ce n’est pas son genre de l’ignorer, peu importe la distance qui les sépare.

Elle se relève, le cœur plus lourd qu’elle pensait qu’il le serait après avoir trouvé un loupio. Peut-être car ce n’est pas le lanturn qu’elle cherche ? Elle ne sait pas trop. Elle pensait que trouver un de ces pokémons la rapprocherait de Kai dans un sens, qu’elle irait peut-être mieux, mais… mais elle a encore une fois surestimé son état. Si un loupio s’est ajouté dans son cœur, si elle l'aime déjà comme elle aime toute sa famille de pokémons, le vide ne l’a pas quittée. Sans doute qu’il ne la quittera jamais. L’absence lui est toujours insupportable.

Un soupir s’échappe de ses lèvres alors qu’elle quitte la plage, le cœur un peu plus rempli mais toujours cette même ombre qui la suit. Il se fait tard.