« Qu'ils aillent se faire voir. Tous les deux. » pesta t-il, la tête baissée vers son smartphone qu'il venait de verrouiller, la mâchoire serrée tout comme ce cœur qui battait derrière sa cage thoracique. Ses doigts tenant son téléphone tremblaient et Kolbeinn se mordillait l'intérieur de la joue, avant de relever la tête lorsque la main de sa sœur se posa sur son épaule. « Aller, Kol'. Ne t'énerve pas. Ça a été stupide de ma part de te demander ça. » dit-elle de sa voix rassurante, le garçon haussant les épaules alors que la colère à l'égard de ses géniteurs grandissait chaque jour un peu plus. Sa sœur, bien trop gentille – et souffrante finalement de ce manque qui était le leur – avait tenté de reprendre contact avec père et mère. Mais rien. La mère s'était tournée vers un autre, laissant derrière elle un fils et une fille et le père, désemparé – probablement trop lâche également – avait laissé sa fille, Théa, s'occuper de son petit frère après avoir atteint la majorité. Abandonné, abandonnés. Ensembles, ils s'étaient relevés, se liant plus que jamais l'un à l'autre et traçant leur chemin côte à côte. Oh, Kolbeinn. Tu pouvais bien être sans tes parents, tu savais que tu l'avais elle et c'était tout ce qui comptait, parce que tu savais qu'elle ne t'abandonnerait jamais, elle.

Toutefois, la vie est éphémère et elle peut basculer du jour au lendemain, d'un instant à l'autre. Une seconde, et c'est la fin. Une seconde, et l'on vient poser un voile sombre sur un corps, sur un esprit qui s'éteint et qui s'envole.


Les mains dans les poches, il venait de déposer un bouquet de fleur sur la tombe de sa sœur et s'était redressé, contemplant les gravures incrustées dans la pierre tombale. Ses yeux bleus détaillaient avec amertume cet endroit où reposait désormais feu Théa mais il y avait également autre chose qui pulsait dans ses veines et luisait dans ses prunelles. De la colère. Une colère qui s'était embrasée en lui en apprenant que sa sœur avait été prise au piège par un entrepreneur qui avait mis fin aux convictions écologiques de Théa. Combien de fois lui avait-elle parlé de cet homme brillant, intelligent, doué de paroles ? Combien de fois lui avait-elle parlé de cet homme prénommé Anders Osbern ? Kolbeinn ne cessait de voir ces quelques lettres défiler dans son esprit, et resserra la cravate autour de son cou. « Allons-y, Bulma. On a du pain sur la planche. » avait-il dit en abaissant son regard vers le Kaiminus qu'il avait recueilli suite à la mort de sa sœur. Voilà quelques mois que celle-ci était décédée, et Kolbeinn avait tout fait pour préparer l'assassinat de cet Osbern. Il avait également rejoint l'organisation Boréal, prêt à reprendre le flambeau que sa sœur avait laissé derrière elle. Ce jour-là, il allait détruire la vie de celui qui avait retiré celle de sa sœur et   sortit du cimetière avant d'enfourcher sa moto et de partir jusqu'au point de rendez-vous.

Grâce à quelques tours, Kolbeinn était parvenu à se rapprocher de la secrétaire d'Anders et lui avait gentiment demandé de lui accorder un rendez-vous avec l'entrepreneur, le plus tard possible en prétextant être débordé. Le garçon aux cheveux sombres avait ainsi eu ce qu'il voulait, pénétrant dans l'enceinte de l'immeuble qui était presque désert en ce début de soirée. Les lumières éclairaient les couloirs et son ombre s'étendait comme celle de Bulma qui faisait claquer sa gueule, impatiente. Quelques étages avalés, et voilà que son regard tomba sur le bureau d'Anders, un sourire se dessinant sur ses lèvres.

« Vous êtes bien trop à l'aise. » avait sifflé Osbern de sa voix grave, les sourcils froncés en voyant que Kolbeinn venait de poser ses pieds sur son bureau, les mains dans les poches. Le membre des Boréal le toisait du regard, tandis que Bulma scrutait avec appétit le Krabby qui l'observait avec méfiance. L'ambiance accueillante qu'avait installé Anders s'était dissipée pour laisser place à une atmosphère tendue que le frère de Théa avait entrepris de répandre. « Et vous, vous avez été un peu trop à l'aise avec ma sœur. » annonça Kolbeinn en se redressant finalement pour venir se pencher au-dessus du bureau, ses mains posées dessus, son regard perçant et embrasé rencontrant plongeant dans celui d'Anders dont les muscles se raidirent. Bulma claqua à nouveau des dents, faisant un pas vers Krabby. Tous deux avaient perdus un être cher et si Bulma n'avait pas pu protéger son premier dresseur, elle était bien décidée à mener à bien les objectifs de son nouveau maître. « Théa vous appréciait, vous savez ? Elle me parlait souvent de vous. Peut-être qu'elle vous a trop fait confiance. Votre secrétaire n'a rien vu venir, elle non plus. Maintenant, vous pouvez dire au revoir à vos rêves. » souffla t-il, ses derniers mots tonnant d'un air menaçant avant que, d'un geste vif, il n'attrape le crâne d'Anders et le fracasse contre le bureau. Il passa par-dessus, renversant le siège sur lequel était l'entrepreneur – sonné par le coup – et lui asséna des coups, encore et encore, ses poings s'écrasant sans retenue sur le visage d'Osbern qui tentait de se défendre, de renverser la situation.

Bulma, elle, avait bondit sur Krabby et sa mâchoire s'était refermée sur une patte qu'elle arracha sans retenue, déchiquetant chaque parcelle du pokémon dès que ses crocs se refermaient sur lui. Il n'en resterait bientôt plus rien, comme il ne resterait bientôt plus rien du faciès charismatique d'Anders Osbern. Et lorsque Kolbeinn sembla satisfait – en réalité, il ne le serait jamais mais il devait bien se retirer pour fuir – il se redressa, haletant, son costume tâché de sang. Ses mains étaient abîmées, souillées d'hémoglobine et son regard se dirigea vers Bulma qui venait de donner le coup de grâce au Krabby. Un sourire satisfait se dessina sur son faciès encore vierge de toute trace de brûlures, et plongeant sa main dans l'une des poches d'Osbern, il en sortit un briquet, l'enclencha et  commença à brûler le tapis, qui s'enflamma rapidement. Les flammes rongeaient tout ce qu'elle trouvait, dévorant bientôt les meubles. La chaleur montait, et Kolbeinn se débarrassa de sa cravate, de sa veste et de sa chemise, les laissant aux flammes avant de s'emparer de l'un des autres costumes d'Anders – neufs – présents dans son armoire. Il ressortit du bureau, son pokémon à sa suite et se mit en route pour s'en aller, attrapant son smartphone pour envoyer un message à la secrétaire. Il savait qu'Anders devait avoir un dernier rendez-vous après lui et parvint à lui faire porter le chapeau, l'affaire se centrant sur un pauvre homme innocent, laissant en liberté le terrible coupable.

Mais Kolbeinn avait désormais des idéaux à poursuivre, des objectifs à accomplir, et resta fidèle à la Team Boréal et à Kyurem. Ses ambitions grandirent, tout comme sa colère qu'il ne parvenait pas à apaiser malgré la vengeance qu'il avait eu, et l'une des missions lui coûta cher, une explosion brûlant une partie de son corps et de son visage. Pour Théa, il était prêt à tout. Pour Kyurem également et si son corps devait continuer à être abîmé, qu'il en soit ainsi. Kolbeinn ne lâchait rien.