Monsieur Rungard,

Compte-tenu de la rétrogradation de la Capitaine Esther Jytte Asgeir, à savoir du rang de capitaine à celui de sergent, voici la retranscription, maintenant à jour, de son dossier. Vous trouverez aussi en pièce jointe le résumé des changements apportés à celui-ci.

Je vous prie de recevoir, Monsieur, mes salutations distinguées.


p.j. : Dossier militaire


Esther Jytte Asgeir, fille d’Astrid Margaret Falkenrath et de Reimund Jockel Asgeir; née le 12 novembre à Smokebay. Élevée par sa mère, elle n’a jamais connu son père malgré ce que suggère son nom.

Note : Questionnée sur le sujet, elle répond que sa mère a un sens de l’ironie particulièrement merdique. N’a pas voulu élaborer.

Elle a fait sa scolarité à Smokebay et aura gradué avec de très bonnes notes. Une élève assidue et extrêmement organisée, elle n’aura que très peu d’amis (certains notables qui le sont encore aujourd’hui) et beaucoup de projets visant à améliorer la société. C’est dans cette optique qu’elle rejoint les rangs de l’armée à 17 ans, après avoir participé aux programmes de scouts à partir de ses 12 ans.

Elle sera après son entrée une soldate exceptionnelle qui aura aucune difficulté, autant pour son éthique impeccable de travail que pour ses initiatives, à monter les rangs. Elle suivra des ordres aussi bien qu’elle en donnera, d’une manière toute autant constructive que pédagogique, ce qui fait d’elle un officier supérieur de qualité. Ceux sous son commandement ont souvent déclaré se sentir en confiance.


Dossier médical
[…]

Allergies notables : Poils de pokémons canins, noix.

[…]


Rapport du procès à la suite des évènements de [...].

Rappel des évènements : Prise en otage de deux femmes. toutes deux décédées après l’attentat du Masque de Lucario, du 25 au 28 avril 2017. Des officiers et des soldats sous le commandement du Capitaine Asgeir ont suivi une piste qui s’est avérée être un canulard, causant la mort de 4 soldats et 3 civils.

[…]

Capitaine Asgeir signifie qu’elle n’était pas en accord avec la procédure ayant été ordonnée par son officier supérieur, Major Daren Bennett, et aurait demandé à celui-ci d’en prendre compte dans son rapport et son dossier.

Note : Impossible de trouver la source du désaccord du capitaine Asgeir au moment où l’ordre a été issu.

Conclusion : Aucune preuve conclusive menant à la culpabilité du Major Bennett.

Décision du juge : Le Capitaine Esther Jytte Asgeir est reconnue coupable de ses actes et des ordres issus aux soldats sous son commandement. Le choix est donné à la Capitaine entre deux sentences, compte-tenu de son dossier autrement vierge de toute méconduite :

1. Exclusion de l’armée pour cause d’indignité;
2. Rétrogradation au rang de Sergent, avec la méconduite retirée du dossier. Possibilité de monter les rangs à nouveau, sous une surveillance assidue.


Monsieur Rungard,

Je vous prie d’accepter ci-présente ma lettre de résignation de l’armée de Netovia.

À la suite du procès certes logique mais totalement injuste qui m’a été adressé, je ne trouve plus ma place dans une organisation qui fait si peu confiance en ses plus fidèles soldats.

Je vous prie d’agréer, monsieur, mes salutations distinguées.


L’injustice avait été menée.

Elle n’a plus confiance en le système.

Elle a trouvé la team Boreal.

Ils sont venus à elle. Un recruteur. Ils avaient entendu son histoire.

Elle était au bord du gouffre.

De douces paroles pour une personne qui a tout perdu.

Un espoir de devenir ce qu'elle n'a jamais pu être dans le Système.

Elle aura appris que les attentats du Masque de Lucario n'avaient rien à voir avec Boreal.

Ça la rassura.

Il y avait quelque chose dans leurs idéaux...

Ils veulent amener l’ère glaciaire?

Que le froid se répande, alors.

Pour geler les institutions infidèles. Pour geler l’injustice.

Pour ramener la réelle Paix.

Et si elle doit être atteinte par la guerre…

Soit.


Elle a arrêté de compter les années.

Ce qu'elle sait, c'est que c'est vers elle qu'ils amènent les nouvelles recrues. Elle les initie. Elle leur montre le chemin. Sa doctrine militaire est impeccable, et ses recrues se doivent de l'être aussi.

Impitoyable. D'une colère froide.

Personne ne lui échappe.

Pas à elle.

Ni à Regina.


Non mais… bro, tu ne comprends pas. Elle est … Effrayante. Vraiment. On dit qu’elle est là depuis longtemps, très longtemps.

On dit qu’elle a fait partie de l’armée de l’Empire. Tu imagines ? Un tel détournement de situation ? Comment une personne qui était si dévouée à l’Empire pourrait soudainement se retourner contre eux ?

On dit qu’elle ne s’est jamais plaint. De rien.

Pas du froid. Pas des initiations.

Rien du tout.

Elle a tout encaissé.

Et elle nous le fait encaisser de la même façon.

Elle nous fait geler comme des rats dans le froid du fjord.

Elle nous fait courir dans la neige et sur la glace.

Elle nous montre comment utiliser notre corps comme une arme. Elle nous montre comment nous défendre.

Elle est dure. Vraiment.

On dit qu’elle était pareille lorsqu’elle était sergent. Lorsqu’elle était capitaine, encore pire.

On ne sait pas ce qui s’est passé. Pourquoi elle est ici.

Et pourtant, elle l’est, et dans ses yeux, on pourrait presque voir une haine.

Presque.

Car au fond, on ne voit rien.

Parfois, elle se montre plus calme. Quand on tombe. Mais seulement si on a l’audace de se relever.

[…]

Et je l’ai vue.

Elle se tenait droite. Elle était parfaitement calme. Dans ses yeux, il n’y avait rien. De glace. Comme son cœur. Il doit être fait de glace, lui aussi.

Les pas de Pyry résonnaient sur le plancher froid. Il disait qu’il n’allait plus jamais revenir. Que c’était trop. Que c’était dément. Il était en détresse. Le kid n’avait jamais rien demandé. Il voulait juste partir, mais tu ne peux pas partir de Boreal…

Et elle, elle a juste levé son arme. Un pistolet. Rien qu’un pistolet, rien qui est censé être précis.

Elle n’a même pas sourcillé. Elle n’a rien dit.

Et elle l’a descendu.

Juste là. Sans pitié.

Je me souviens encore du bruit de son corps qui chute au sol.

Et elle s’est simplement retournée. Elle est partie. Comme si de rien n’était.

Comme si la vie de Pyry ne valait rien.

[...]