C'est à foulées maîtrisées que tu traverses le centre ville alors que six heures sonnent au clocher de la cathédrale. Voilà un peu plus de quinze minutes que ton réveil a sonné, juste le temps pour toi de jaillir du lit, de te changer, de sauter dans tes baskets et de te mettre en route pour ton footing matinale depuis ton appartement localisé dans une petite ruelle piétonne où tu vis depuis maintenant trois années. L'emplacement est agréable, mais tu commences à songer qu'il te faudrait peut-être déménager, chercher un peu plus grand maintenant que tu as un salaire digne de ce nom, un peu plus lumineux, un peu mieux exposé, un peu plus près peut-être du parc Thorsmoke pour pouvoir aller y courir plus facilement au lieu de te cantonner aux rues pavées, pas toujours agréables pour les chevilles.

Tu es partie pour une petite heure en tout cas, comme tous les matins ou pas loin, et alors que ta foulée s'allonge tu laisses ton esprit vagabonder. S'il y a bien une chose que tu as gardé depuis ton incarcération c'est cette habitude de courir, le matin le plus souvent mais il t'arrive aussi de partir pour des sessions bien plus longues lorsque tu as le temps. Tu avais besoin de cet exercice alors, de cette soupape de sécurité, et tu l'as gardé, aujourd'hui tu ne pourrais pas vraiment t'en passer et s'il t'arrive de ne pas pouvoir sortir courir plusieurs journées d'affilée c'est un sentiment d'angoisse qui s'installe et les ongles de tes doigts finissent alors dans un sale état.

Une vingtaine de minutes se sont écoulées lorsque tu tournes à droite, entamant la montée, un parcours quotidien que tu connais bien, une vieille dame à qui tu offres un sourire et un petit signe de la main, les gens ne courent pas les rues de si bon matin et à emprunter régulièrement le même chemin les connaissances matinales s'installent. Mais voilà qu'un évènement inattendu survient, ou plutôt une rencontre que tu n'avais pas prévue. Tu ralentis un peu alors que tu te rapproches progressivement d'une jeune femme appuyée sur sa moto au milieu du trottoir, visiblement épuisée. « Tout va bien ? » Tu repasses au pas finalement. « Non, attendez, question stupide... » Tu secoues la tête, t'arrêtant finalement. « Besoin d'un coup de main ? » Voilà qui semble davantage convenir à la situation où clairement, il y a quelques chose qui cloche avec cet engin. Et sans doute que tu aurais pu te contenter d'un signe de tête en passant, ou juste d'un détour pour l'éviter, ce qui t'aurais permis de poursuivre ton footing en paix... mais t'es globalement du genre à tendre la main et à ne pas laisser les gens dans le pétrin.

La saison n'est pas encore bien avancée et le temps reste frais, ce n'est certainement pas quelque chose qui t'arrête et qui t'empêche de sortir, mais maintenant que tu as stoppée ta course aux côtés de la moto en perdition tu ressens rapidement le froid s'insinuer à travers le tissu léger de ton leggings. « Pas de problème ! Ça à l'air plutôt lourd votre engin. » C'est un sourire que tu lui offres alors qu'elle accepte ton aide, pour la rassurer, lui dire de ne pas s'inquiéter qu'il n'y a pas de mal à se saisir d'une main lorsque celle-ci est tendue de bonne foi. « Ah ! Et bien c'est partis. » Un coup d'œil à la destination annoncée et tu t'empares du guidon comme elle te l'a proposé. Quelque chose te dis que tu ne vas pas ressentir le froid ambiant bien longtemps et c'est parfait comme ça, que toi et tes muscles restent chaud est la meilleure chose à faire.

Et l'ascension démarre donc en silence alors que tu t'habitues au poids et aux mouvements de la moto face à ta poussée et à celle de l'autre femme derrière toi. « Heu, oui, c'est pas mal... » La tentative un peu maladroite d'engager la conversation étire tes lèvres en un sourire. Sourire qu'elle ne peut pas vour néanmoins, ton visage étant tourné en direction de la montée. « Ce n'est pas aussi agréable que le parc Thorsmoke mais à cette heure là il y a peu de voitures alors ça va. Et puis dans les rues piétonnes c'est tranquille aussi. » Heureusement pour vous tu n'as pas de mal toi à bavarder. « J'habites dans le centre piétonnier alors pour mon footing matinal ça reste ce qu'il y a de plus pratique, je n'est pas vraiment le temps de me déplacer jusqu''au parc c'est plus simple de partir directement de mon appart. » Tu lui racontes un peu ta vie, tu n'es pas sûre que ça l'intéresse mais ce n'est pas vraiment un détail qui va t'arrêter, tu parles, libre à elle de t'écouter ou de rêvasser, toi ça te plaît de jacasser. Peut-être que t'aime entendre le son de ta voix, peut-être que c'est aussi une habitude que tu as gardée de là-bas, même si alors c'était un murmure qui sortait de ta bouche, mais t'entendre, te parler, ça te rassurait.

« Quelle idée d'avoir un garage tout en haut d'une côte ? Quand on y va c'est qu'on a un problème non ? » Vous avancez, mais il faut reconnaître que l'effort fourni pour faire quelques mètres est loin d'être optimisé.  « Qu'est-ce qu'elle a d'ailleurs ? Pour vous avoir lâché là d'aussi bonne heure ? » Une façon un peu détournée aussi de demander à la pilote ce qui l'amenait à cette heure matinale dans les rues de Smokebay.

Tu n'es pas du genre à te formaliser d'une question un peu... naïve ? Tu salues plutôt l'effort de cette amorce de conversation et tu y réponds du mieux que tu peux. Qu'importe que le sujet ne soit peut-être pas le plus passionnant, c'est l'échange qui compte finalement, et le fait que cette question ne s'étire pas en un lourd silence gênant. Alors oui, tu lui parles du parc Thorsmoke, de tes habitudes de running, tu parles pour ne pas dire grand-chose au fond mais ce n'est pas important. Et puis finalement tu as une question toi aussi, et une remarque un peu bête sans doute également. « Tout s'explique ! »  Ta voix trahi ton sourire, elle le fait souvent lorsque tu n'es pas à 100% concentrée sur une expérience, cas dans lequel le monde pourrait bien s'écrouler que tu ne le remarquerais sans doute pas. « Ah mince. C'est pas de chance ça. » Pour être honnête, tu n'y connais rien, et tu as plus demandé par curiosité et pour continuer la discussion plutôt que dans l'espoir de pouvoir aider ou résoudre quoi que ce soit.

Mais voilà que les ennuis ne semblent pas tout à fait finis et c'est un GLING qui retentit derrière toi alors qu'un nouveau morceau de la moto finit sur le trottoir. « Ah... » Tu t'arrêtes de pousser, laissant l'autre femme reprendre la main sur sa moto pour la stabiliser, observant l'engin d'un œil plus perplexe qu'experte. « C'est... » Des traces de dents ? Tu n'y connais rien oui, mais ça y ressemble quand même clairement. La pièce n'est clairement pas en bon état en tout cas et tu te doutes qu'elle n'est pas vraiment supposée ressembler à ça à l'état naturel. « Eh bien ! On peut dire qu'il avait une dent contre cette moto. » Tu vois bien que la propriétaire de l'engin n'est pas au meilleur de sa forme, un mélange d'embarras et de dépit, quelque chose comme ça, tu n'es pas psychologue, loin de là, mais tu as appris à décrypter un peu les émotions des gens. Une question de survie parfois, de savoir quand il vaut mieux rebrousser chemin plutôt que de risquer de croiser la route d'une détenue prête à exploser pour rassoir sa supériorité. Bref, tu tentes de faire un peu d'humour en tout cas, c'est souvent une bonne solution et la femme en face de toi n'a pas l'air du genre à vouloir te sauter à la gorge pour un rire mal placé. « Quel est donc le monstre qui a fait de cette pièce son goûter ? » En y réfléchissant tu pourrais sans doute trouver mais il est tellement plus simple de demander. « On devrait peut-être regarder s'il y a d'autres pièces sur le point de tomber avant de continuer ? » C'est une proposition, tu ne sais pas ce qui est le mieux, avancer en continuant à jouer au petit poucet est une autre idée.

Petite pause forcée au milieu de la montée lorsqu'une pièce se détache de la moto et c'est d'un regard plutôt surpris que tu regardes les traces de dents qui ornent le morceau de métal. « Ah ben... » Une réponse de ta part qui n'a pas vraiment d'intérêt, mais tu as déjà sorti la carte de l'humour et tu sens que la situation ne fait pas vraiment rire la femme en face de toi. Tu peux comprendre cela dit, surtout si ce n'est pas la première fois ce qui te semble être le cas, tu ne sais pas trop, mais instinctivement tu recules un peu lorsque le Galekid est appelé hors de sa pokéball, leur laissant un peu d'espace.

Et pendant la discussion qui suit ton regard passe de l'un à l'autre, du pokémon à sa dresseuse, il y a un petit sourire sur tes lèvres, que tu t'empresses de faire disparaître quand le Galekid semble vouloir tourner son regard dans ta direction, tu n'as aucune envie de ruiner tous les efforts de sa dresseuse en lui laissant penser que la situation t'amuses. « Enchanté Carrion. » Tu hoches la tête dans la direction du Galekid lorsqu'il t'es finalement présenté, signifiant sans doute que la séance de reproches est pour le moment terminée. « Tu me dois un footing avorté tu sais. » Un léger rappel, dis d'un ton doux malgré tout, parce qu'il a aussi chamboulé tes plans à toi finalement en rongeant cette pièce jusqu'à la faire tomber. « Je n'ai pas fait vraiment mieux à vrai dire. Anya ! » Serrant la main qui t'étais tendue tu accompagnas le mouvement d'un sourire et d'un petit hochement de tête.

Un frisson te prend brusquement, faisant trembler l'espace d'un instant ton corps tout entier sans que tu puisses vraiment le réprimer, et si tu sentais pendant la discussion déjà que ton corps commençait à se refroidir cette fois-ci il ne t'est plus vraiment possible de le nier. « Désolée de vous presser mais... je ne suis pas vraiment habillée pour trainer sans bouger. » T'as une tenue pour courir, depuis le moment où tu passes ta porte dans un sens jusqu'à celui où tu la pousses dans l'autre, et en plein hiver il est clair que l'immobilité fait rapidement ressentir quelques effets. « J'ai une Larméléon moi, elle est restée à la maison, elle préfère continuer à dormir pendant que je pars courir. » Tu reprends la discussion un peu comme si de rien n'était, pour dissiper le malaise que ta demande aurait peut-être pu provoquer. « Elle me pose sans doute moins de problèmes avec la ferraille c'est sûr ! Quoique à mettre de l'eau partout elle pourrait bien faire rouiller quelques pièces sans doute. » T'es prête à reprendre ta position au niveau du guidon de la moto pour lui permettre d'arriver enfin en haut de cette foutue montée.

Les réprimandes sont terminées, les présentations aussi et c'est finalement avec joie que tu reprends ta position au guidon de la moto pour lui faire gravir la dernière portion de cette côte qui semble sans fin. La discussion reprend avec l'effort, légère, tu lui parles de ton pokémon qui dors sans doute encore et tu souris à ses explications. « Ça se passe rarement comme on l'avait prédit avec eux ! Mais on les aime quand même. » Un haussement d'épaules finalement, tu n'avais pas vraiment à te plaindre d'Unda en vérité, elle était un bon pokémon pour toi, ne te réclamant pas une attention monstrueuse, elle aimait seulement être avec toi lorsque tu étais à la maison, qu'importe si tu t'intéressais plus à tes dossiers parfois qu'à elle.

Mais voilà que le garage apparaissait finalement et la discussion s'arrêta alors qu'un mécano faisait son apparition, l'air plutôt surpris, venant s'enquérir de la raison vous amenant de si bonne heure devant sa porte. Tu laisses Elliara s'expliquer, tu serais bien incapable de le faire de toute façon et tu hoches la tête quand elle te propose d'attendre un moment dans une pièce où tu en profites pour te réchauffer. Un coup d'œil à ta montre t'indique que tu disposes d'un petit moment encore et quitte à avoir abandonné l'idée du footing tu restes volontiers pour ce café qu'elle a offert de te payer.

« Les nouvelles ne sont pas vraiment bonnes n'edt-ce pas ? » Sans espionner, ton regard a tout de même était attiré par Elliara lorsqu'un mécano est revenu l'informer de ce qu'il avait trouvé, la disposition des lieux te permettant de voir le garage mais pas d'entendre, évidemment. Tu n'en avais pas eu besoin toutefois pour décrypter les regards et c'est d'un hochement de tête désolé que tu l'acceuille. « En route pour le café, on l'a bien mérité. » Un sourire, et tu la suis hors du garage et de son café goudron. « Je n'ai qu'une vingtaine de minutes disponible par contre, ensuite il va falloir que je me dirige vers le boulot. » C'est dit sans amertume, ce que tu fais te plaît, c'est le milieu dans lequel tu as toujours voulu évoluer, ce pour quoi tu t'es battu, parfois contre toi-même, ce qui t'as aidé à voir une lumière au bout du tunnel. Alors non, tu n'y vas pas à reculons, même si comme tout un chacun il t'arrive parfois d'être fatiguée et d'avoir envie ou besoin de congés.

C’est une moue désolée qui se peint sur ton visage et tu grimaces un peu à l’annonce du verdict. Ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle non et tu te sens d’humeur compatissante, c’est à peu près tout ce que tu peux lui offrir en vérité. Mais elle ajoute quelque chose ensuite qui te fait réagir et offre une magnifique occasion de changer de sujet. « Le tour des arènes ? Tu as l’intention de défier les champions ? » Tu ne t’y attendais pas, tu ne saurais pas trop dire pourquoi. « Ta dresseuse ne m’avait pas dit que tu étais un futur champion Carrion. » Un clin d'œil à l’adresse du pokémon, une façon de rendre l’atmosphère un peu plus légère malgré les mauvaises nouvelles, ou tout au moins tu l'espéres. Tu te demandes de quoi est composé le reste de son équipe, mais tu imagines qu’elle t’en parlera si elle le souhaite et tu n’insistes pas davantage alors que vous vous mettez en route hors du garage.

Tu n’es jamais venue dans ce café, pas que tu prétendes connaître tous les endroits de Smokebay quoi qu’il en soit. Le lieu est agréable en tout cas, calme, ce qui est peut-être normal à cette heure matinale, tu apprécies qu’il ne soit pas le lieu de rendez-vous de jeunes cadres un peu trop dynamiques pour leur café du matin en tout cas. « un café et un croissant fourrés s’il vous plait. » Tu suis les recommandations d’Elliara et te laisse tenter par cette viennoiserie dont elle vient de te parler. « Je pars faire un footing et je finis attablée devant un bon petit déjeuner, on peut dire que c’est une bonne matinée ! » Inhabituelle, et heureusement, mais des plus plaisantes finalement. « Alors, tu vas te diriger vers quelle arène en premier ? » Forcément, t’es quand même curieuse, elle est la première dresseuse sérieuse avec qui t’as l’occasion de parler.

Vous voilà attablées finalement, dans une ambiance chaleureuse qui te fait vite oublier le froid extérieur, ou tout au moins la température un peu trop fraiche pour la tenue de joggeuse dans laquelle tu te traine depuis tout à l'heure sans vraiment faire d'efforts suffisant pour rester au chaud. C'est loin d'être un matin habituel pour toi mais il n'en est pas moins agréable finalement et l'odeur de café qui parvient à tes narines finit de te mettre à l'aise. « Effectivement ! » Et bavarde, tu questionnes Elliara sur ces projets et un petit rire filtre d'entre tes lèvres à sa réponse. « J'imagines que c'est en effet plus pratique de commencer par l'arène locale plutôt que de partir à l'autre bout du pays avec le risque de rentrer bredouille. » Pas que tu lui souhaites pareille mésaventure, mais ils étaient nombreux ceux qui voulaient s'engager dans cette voix, et ils étaient bien peu à arriver à suivre le chemin jusqu'au bout. Pour ce que tu en savais en tout cas, ça n'avait jamais été une route que tu avais voulue emprunter.

« On dit que c'est en forgeant qu'on devient forgeron. » Un haussement d'épaules, tant qu'on ne se confrontait pas aux autres difficile de juger de son niveau, ça valait pour tout et pour tout le monde. « Si tu étais militaire au moins tu dois avoir la rigueur nécessaire pour entraîner correctement une équipe. » C'est un sourire léger que tu lui offres, un sourire se voulant rassurant. T'es un peu à milles lieux d'imaginer son histoire, tu t'imagines juste... qu'elle a voulu changer de voie ? Tu ne sais pas vraiment mais tu ne penses pas que ce soit vraiment important pour toi de savoir. Tu ne la connais même pas et ne la reverra sans doute jamais quoi qu'il en soit. « Comment ça ? » Tu t'interroges pourtant, face à sa dernière réflexion, et tu l'interroges donc, franchissant peut-être un peu la frontière de sa vie privée, mais c'est après tout elle qui a abordé le sujet. « Je n'y connais pas grand-chose pour être honnête, même si je passe mes journées à étudier les pokémons. » Un petit sourire appuie tes mots. « Mais des fois vocaliser les choses aide à les rendre plus clair. » Un encouragement à te raconter ce qui la rend perplexe, tu es en tout cas bien placée pour parler, toi qui ne cesse de marmonner quand tu cherches à résoudre les problèmes que l'adn des pokémons te posent.