Née à Port Amarrée d’une famille plutôt modeste tu as démarré dans la vie sans réelles difficultés. Enfant frêle mais délicate tu n’as pas rencontré de soucis à l’école. Ni trop populaire ni pas assez tu as fait de ton mieux pour satisfaire l’ego de tes parents qui te poussaient toujours à te surpasser. Sûrement pour avoir un meilleur avenir qu’eux comme disait souvent ton père. Fille unique surprotégée tu as eu la recette parfaite pour prendre sur toi et laisser exploser cette prestance et cette confiance en toi. Les années ont passées et plus tu grandissais plus tu as pris de la gueule auprès de tes congénères. Lycéenne ne trouvant ta voie nulle part tu loupes de plus en plus les cours, par flemme ou désintérêt pour les matières, aussi bien générales que pokémon qu’on pouvait t’enseigner.

Non, tu as préféré partir avec tes amis à la découverte du monde. Avec tes économies tu t’étais acheté un appareil photo et prête à tout donner tu as fait l’école buissonnière de plus en plus souvent pour te consacrer à cette passion pour laquelle tu ne portais pourtant pas grand intérêt à tes débuts. À tel point que tu as été virée de ton école pour absentéisme et tes parents, désespérés à l’idée de te trouver un autre établissement dans cette région désertique qu’est Rhode qu’ils ont décidé de te faire travailler comme vendeuse avec eux dans leur petite boutique de souvenirs.

Et Arceus, que c’était à mourir ! Sourire, faire mine d’être agréable avec les clients et surtout être enfermée à longueur de journée tu n’en pouvais plus. Tu avais besoin d’évasion, de fuir le monde. De confronter l’autorité aussi, de tes parents ou celle du pays. Alors parfois tu te faufiler hors de la boutique dans leur dos pour fuir toujours avec ta même bande d’amis à la recherche de lieux encore inexplorés, qu’importe la dangerosité.

C’est durant l’une de ces escapades que tu as rencontré celui qui allait devenir ton plus fidèle compagnon. Johnson s’est montré alors que vous vous étiez stoppés en scooter dans une station essence pour faire le plein. Assise à même le sol à côté du panier repas que vous vous étiez préparés avant de partir il s’est approché, affamé et surtout complètement déboussolé en manquant de d’attraper la main en même temps qu’il a englouti la moitié - si ce n’est plus, de vos provisions - panier compris. Tu te souviens tu lui as hurlé dessus, tu as même essayé de lui mettre des coups de pied et pourtant, peut-être par pitié, tu l’as capturé. Au début soi-disant pour lui faire payer son crime et pour qu’il cesse de dévorer votre repas mais au final tu devais bien avouer que tu as craqué pour son petit regard complètement stupide.

Et plus que ça. Plus que tout même, il t’a sauvé la vie. Tes amis ont petit à petit cessés leurs folies et sans futur envisageable de par l’arrêt de tes études tu t’es retrouvée seule, délaissée par un peu tout le monde en continuant tes escapades à travers les canyons arides de la région sur ta moto. Tombée en panne à des heures de route de chez toi tu t’es retrouvée en proie à la nature sauvage comme jamais tu n’avais pu l’apercevoir. Prise à partie par un Lougaroc solitaire tu as failli mourir avant que tes parents ne viennent à ta rescousse après ton appel. Touchée au visage c’est surtout Johnson qui s’est interposé pour te protéger et prendre les coups en essayant même de se débarrasser de ce prédateur ayant cherché à atteindre à ta vie. Il est resté avec toi jusqu’au bout, comme le plus fidèle des canidés jusqu’à l’arrivée de tes parents fous d’inquiétude.

Plus choquée que réellement blessée tu as pourtant eu beaucoup de mal et quelque peu traumatisée par cet événement tu es aussitôt remontée en selle pour ne pas te morfondre dans la peur. Cette dépendance à la liberté était trop forte pour te faire te terrer au fond de ta grotte et bien décidée à faire de cette passion un business tu t’es lancée en free-lance avec le soutien bien que réticent de tes parents qui auraient voulu quelque chose de plus stable. Tu as vingt-trois ans à l’époque et pourtant tu es déjà bien engagée dans l’environnement et sa protection face à l'hyperindustrialisation de Rhode. Si tu avais continué tes études probablement serais-tu partie dans la politique mais malgré tout tu as essayé d’alerter le monde de tes photographies dépeignant la triste réalité du monde.

Mais Rhode était trop à part, trop dans son monde, loin des autres grandes nations formant cette terre que vous ne cessiez d’exploiter par avarice. Alors tu es partie à l’aventure loin d’ici. Tes dernières économies tu les a mises dans un billet d’avion et la location d’un appartement à Sharpton. Enfin tu te lances, site, nom, carte de visites, tu avais tout prévu pour essayer de te faire un nom dans ce milieu compliqué et ce, aussi bien pour partager des clichés magnifiques qu’alarmants. Tu veux prévenir, faire passer un message pour sensibiliser.

C’est pour cette raison que tu t’es lancée seule sur les monts du glacier de Vivegal. Tu savais pertinemment que tu n’avais pas le niveau pour une telle escapade mais tu voulais te prouver que tu étais capable de dépasser tes limites. Quelques provisions et en compagnie de Johnson tu t’es attelée à la tâche en pensant pouvoir franchir ces zones escarpées vides de tout touriste. Tu as voulu capturer la nature dans son plus bel aspect mais tu t’es retrouvée prise au piège par la neige, le froid et le vent. Tu as eu les yeux plus gros que le ventre et dans l’incapacité d’alerter les secours de ta présence tu t’es réfugiée dans une petite grotte en voyant ton heure arrivée. Essayant de réchauffer au mieux le petit dragon à tes dépens, tu as attendu qu’on vienne faucher ton âme intrépide.

Mais tout ce qui est venu à toi c’est cette voix. Cet appel, cette invitation à danser avec le froid. Pactiser avec le diable pour survivre un peu plus et survivre à ce froid mortel. Tu aurais pu hésiter mais voyant cette offre comme seule porte de sortie tu as accepté jusqu’à être obnubilée par cette sommation à le rejoindre. À tel point que tu as été prise d’hallucinations : tu es persuadée d’avoir vu une silhouette sur les sommets de ces monts, inquisiteur et observateur de ta propre petite existence.

Tu aurais pu grimper un peu plus mais tu as été sauvée par des rangers arpentant la zone pour éviter que d’autres âmes égarées ne subissent le même sort que toi. Ramenée en sécurité, soignée et surveillée tu es tout de même ressortie choquée de cette escapade. Mais tu allais bien et Johnson aussi alors il était hors de question que ton épopée s’arrête là. Tu avais besoin de savoir ce qui s’était passé, ou plutôt tu devais comprendre. Parce qu’il y avait toujours cette voix qui ne cessait de te sommer de remonter à l’endroit où tu as failli mourir. Alors tu as obéi, mieux préparée physiquement et mentalement à affronter le froid de cette montagne mortelle.

Et cette fois tu les as trouvés, où plutôt eux sont venus te chercher pour t’emmener jusqu’au centre du glacier avec pour seul objectif de retrouver l’autel du légendaire te faisant perdre la tête depuis ta presque mort. Tu as laissé Johnson te faire tourner en bourrique de bonnes heures dans ces galeries toutes semblables les unes aux autres avant de finalement tomber en son centre. Tu as souffert, tu t’es écorchée, tu es tombée et tu as failli mourir ici d’autres maux que le froid mais tu as tenu bon, au bord de la folie en t’accrochant à la pierre glaciale que tu étais venue chercher. D’abord hésitante mais toujours à la recherche du pouvoir tu as donné de ton sang, comme on a pu te le faire savoir, qui s’est cristallisé en un diamant que tu as précieusement gardé pour pouvoir le façonner de la manière que tu le souhaites.

C’est ainsi que tu as rejoint Boréal, il y a maintenant bientôt quatre ans. Tu as indirectement participé aux attentats visant à l’industrialisation du monde et sans même réellement le vouloir tu t’es retrouvée dans leur vision du monde. L’écologiste que tu étais s’est rapidement trouvé une passion pour la violence que pouvait causer cette organisation ; ou plutôt cette secte d’après tes propres maux.

Pourtant tu restes éloigné de tout ça la majeure partie du temps. Tu as continué la photographie mais tu devais te rendre à l’évidence qu’à elles seules elles ne pouvaient payer tes factures et ton train de vie quotidien alors avide de luxe, d’argent et de visibilité pour promouvoir ton art, aussi politique puisse-t-il être pour certains, tu t’es lancée en tant qu’influenceuse sur les réseaux sociaux dans l’espoir de pouvoir éveiller et sensibiliser ton public, et ce qu'importent les manières : éthiques ou non.