Quand on évoque la région de Nétovia, certains pensent au climat arctique, certains aux lacs, aux montagnes ; d’autres aux champs de glace qui s’étendent à perte de vue le long des fjords. Et si aujourd’hui la plupart des gens sont au courant que l’île est davantage qu’une terre de neige et de glace, tout le monde ne se doute pas qu’elle abrite l’un des plus importants producteurs de miel de ce côté du globe.

Les parents d’Alex furent les pionniers de l’apiculture dans l’Empire Nétovien. Il y a un peu plus de 20 ans, de retour d’un voyage à Sinnoh, leurs voisins les avaient vu revenir avec une Apireine et une petite dizaine d’Apitrinis dans leurs bagages. Quelques mois plus tard, jeunes et encore sans ambitions, ils achetaient un terrain dans les Sunlandes, au sud de l’île. La modeste exploitation avait commencé par produire quelques kilos de miel par mois, tout au plus. A l’époque, c’était suffisant pour vivre : le miel n’était pas une denrée commune, et on pouvait aisément échanger un pot contre plusieurs jours de grains. Puis, parallèlement à la modernisation et à l’industrialisation rapide de Nétovia, l’affaire avait connu une croissance exponentielle soutenue par une demande toujours plus forte.

Les premières années, les hivers avaient été rudes. Il suffisait de quelques minutes aux frêles ailes des Apitrinis, peu adaptées aux températures rigoureuses de l’hiver Nétovien, pour geler irrémédiablement sous l’effet du froid. Au bout de quelques générations, toutefois, les choses commencèrent à s’améliorer. Les Pokémons sont des créatures formidables, peut-être encore plus flexibles et adaptables que les humains. La colonie d’Apitrinis avait développé des ailes plus robustes ainsi qu’une peau légèrement plus épaisse, leur permettant ainsi de passer l’hiver sans encombre. Très vite, on avait pu trouver les pots de miel de Honey Co. sur les marchés de Smokebay et de Tauparia, puis à travers l’île tout entière, et ce peu importe la saison.

Alex était né au moment où le business avait commencé à devenir extrêmement profitable. Non seulement la demande domestique ne tarissait pas, mais avec l’appui du gouvernement impérial, son père avait pu se rendre dans les colonies Nétoviennes pour y implanter des branches commerciales. Honey Co. étant devenu une multinationale fructueuse, Alex n’avait jamais manqué de rien – si ce n’est peut-être de la présence régulière de parents affairés à faire grossir le business. Mais entouré de Pokémons, il avait à vrai dire à peine ressenti ce manque.

La réussite de l’exploitation avait inévitablement fini par faire des envieux, et plusieurs exploitations concurrentes avaient tenté de s’implanter à Nétovia. Mais tous avaient vite réalisé la difficulté de faire face à Honey Co. D’abord, leurs Apitrini mieux adaptés au climat local leur permettaient d’atteindre un rendement bien supérieur tout en limitant les pertes. Certains avaient essayé de produire du miel de Dardagnan, mais il allait sans dire que la tâche s’était révélée autrement plus ardue… Et si cela ne suffisait pas, Honey Co. entretenait des relations privilégiées avec le gouvernement impérial. Celui-ci voyait d’un très bon œil la montée en puissance d’une entreprise familiale locale, et espérait que sa renommée grandissante à l’international pourrait en faire un symbole de la réussite du modèle Nétovien. Exonération de taxes, campagnes de publicité, soutien dans la modernisation des infrastructures : en vérité, le succès fulgurant de l’affaire était au moins autant le fait de ces aides gouvernementales que du travail – il est vrai acharné – des parents d’Alex.

Alex a connu une enfance tranquille, sans heurt ou presque. Ses parents ont toujours tenu à ce qu’il bénéficie de la meilleure éducation possible. Très tôt, il était donc parti étudier à Smokebay, ne revenant à l’exploitation familiale que lors des weekends. Mais alors que – pensaient-ils – ce nouvel environnement lui donnerait le goût de la ville et de ses possibilités, cela n’avait fonctionné qu’à moitié. Si le jeune garçon se plaisait dans la capitale, il n’était jamais aussi heureux que le Vendredi soir, quand son chauffeur s’arrêtait devant le pensionnat pour le ramener dans sa campagne natale. La famille vivait dans un grand ranch au centre de son exploitation, qui grandissait au fur et à mesure des années. Alex se rappelle que quand il était petit, les Apitrini étaient laissés en totale liberté, et que ses parents récoltaient le miel eux-mêmes, chaque semaine. La demande croissante les avait ensuite poussés à adopter un modèle plus productiviste, construisant des barrières pour délimiter le territoire de chaque Apireine, et embauchant de nombreux employés pour ramasser, préparer, et vendre le miel à travers l’Empire. Sa mère lui avait expliqué de cette évolution était naturelle, et que grâce à ce système, encore plus de gens pourraient goûter à leur succulent miel. Tant qu’on ne lui interdisait pas de parcourir l’exploitation, Alex n’y trouvait rien à redire. Les Apitrinis n’avaient pas eu l’air de mal vivre ce changement, et avaient de tout temps conservé leur nature amicale et inoffensive vis-à-vis des humains.

C’est à l’adolescence qu’Alex avait commencé à entendre parler de la team Boréal. D’abord de la bouche de ses parents, lors des rares repas en famille. À l’époque, il ne comprenait pas réellement de quoi il retournait, mais il aurait déjà pu affirmer que ses parents n’étaient pas des grands fans de l’organisation. Puis, il avait commencé à entendre des rumeurs. Des bruits de couloir. On racontait qu’ils souhaitaient mettre à un terme à l’utilisation des technologies, qu’ils souhaitaient revenir au monde d’avant, qu’il s’agissait d’une petite bande de terroristes pas très organisée qui finirait par être arrêtée. Cela faisait quelques temps déjà que l’organisation faisait parler d’elle quand les lettres de menaces ont commencé à arriver à l’exploitation. On leur demandait de l’argent. Beaucoup d’argent. Mais pas seulement. On demandait aussi de relâcher toutes les colonies de Pokémons non originaires de l’île « exploités » et ayant « un impact désastreux sur les écosystèmes locaux ». Et en échange de ce qui revenait ni plus ni moins qu’à mettre la clé sous la porte, alors on les laisserait tranquilles.

Les parents du jeune homme n’avaient évidemment pas cédé. Alex n’est pas au courant de tous les détails, mais quelques policiers avaient commencé à faire des rondes autour de l’exploitation. Les lettres de menaces n’avaient pas cessé depuis – sans que personne ne soit jamais en mesure d’identifier l’expéditeur. Celui-ci d’ailleurs n’avait jamais revendiqué agir au nom de la team Boréal, mais c’est toujours de cette façon que ses parents en parlaient. Cela ne faisait aucun doute pour eux, et très rapidement cela ne fît plus aucun doute pour Alex. Cette période a agi comme un déclic pour le garçon, comme s’il réalisait qu’en dehors de sa petite bulle de bonheur le monde n’était pas toujours aussi agréable et la vie pas toujours juste. Depuis, Il a du mal à se sortir cette histoire de Team Boréal de la tête. Il est comme en croisade contre ce qu’il considère être un risque sous-estimé par beaucoup à Nétovia. Il ignore quels sont leurs vrais objectifs, mais la défense de l’environnement n’en fait certainement pas parti. C’est aussi à partir de cette époque que le garçon discret et bien élevé qu’il était avait changé pour devenir un jeune homme plus actif, comme s’il avait enfin trouvé sa vocation.

Décidé à protéger ses ruches, il avait fait part à ses parents de sa volonté de devenir un Ranger au sein de l’armée Nétovienne. Il leur avait également demandé d’adopter une jeune Apitrini de l’exploitation afin qu’elle puisse l’assister dans ses futures tâches. Fils unique de la famille, Alex est bien entendu le successeur désigné de l’entreprise de ses parents, qui n’ont d’abord pas vu d’un très bon œil cette décision. Malgré tout – ils ont été jeunes avant lui – ils ne s’y sont jamais opposés, au contraire. Grâce à ses bons résultats scolaires et à quelques coups de fils de ses parents, il avait pu obtenir une entrée anticipée à l’académie des dresseurs de Smokebay.

C’est là-bas qu’il se trouvait il y a quelques mois, lors de l’attentat, à quelques rues de l’arène à peine… Suite à cet évènement et face au besoin croissant d’effectifs pour assurer la sécurité des citoyens, les meilleurs éléments de l’académie s’étaient vu offrir la possibilité d’intégrer les rangs de la section Bouclier de façon anticipée. À 17 ans à peine, la vie d’Alex s’accélérait soudainement alors qu’il décidait de grossir les rangs des Rangers de Nétovia…