× Si la plupart des orphelins finissent par goûter à une existence plus clémente, tu n'as pas eu le droit à cette chance. D'aussi loin que ta mémoire puisse remonter, le visage de tes parents demeure flou, car ils ne t'ont jamais vraiment prêté attention. Tu te sentais comme un fardeau – en trop même, et il est dorénavant clair que tu représentes le fruit d'un accident que personne n'a osé assumer. C'est pourquoi tu ne les as pas suivi, ni ne les as pleuré, le jour où ils t'ont laissé derrière eux ; quelqu'un finirait bien par te ramasser, ou au pire, tu mourrais dans un coin sans faire de bruit. Toutefois, Séoul décida autrement de ton sort.


× Livrée à la rue, tu as appris à voler et mendier pour obtenir ta pitance. Tu voyais les autres gamins utiliser leurs poings pour s'imposer, mais c'est un fait, ta carrure chétive ne t'accordait pas le même avantage. Et pourtant, tu possédais sans encore le savoir des compétences qui te seraient bien plus utiles : tu étais douée pour te rendre invisible et silencieuse, observer depuis l'ombre et disparaître aussitôt qu'on te remarque. Parce que c'est toujours ce qu'ils ont attendu de toi. Ça t'arracherait la gueule de l'admettre, mais c'est à eux que tu dois tes talents, en partie.


× Bientôt, la générosité dont tu profitais s'amenuisa. Alors que les années passèrent, tu fus jugée assez âgée pour te débrouiller par tes propres moyens. La loi ne t'autorisait pas à travailler, à juste titre, pour autant les intéressés ne manquaient pas de se bousculer. Tes premiers boulots se résumaient en tâches ingrates pour lesquelles tu gagnais seulement quelques pécules. Il devint très vite nécessaire de placer la barre plus haute, car tu l'as compris, l'argent orchestre ce monde. Cela te poussa inexorablement à t'engager dans des affaires plus dangereuses.


× Ton temps libre comme tes économies, tu les dépensais dans un cybercafé du quartier. Le plus souvent, tu jouais ou venait écouter les dernières musiques à la mode. Tu avais découvert les merveilles d'internet et il t'offrait en quelque sorte l'échappatoire dont tu avais besoin à cette vie de débauche dans laquelle tu pataugeais, mais il t'ouvrait aussi à de nouvelles perspectives. Durant les soirées où tu y créchais, tu étais amenée à croiser différents profils : des hackers, des espions ou des escrocs en filature. A leur insu, ils ajoutaient au fil de leurs séances de nouveaux outils à ton arsenal.


× Qui accepte de tâcher ses mains en paie le prix fort. On ne tarissait pas d'éloges à ton sujet : non seulement tu accomplissais tes contrats sans bavure et avec une rigueur appréciable, mais tu t'illustrais aussi dans ton art d'écouter aux portes, de t'inviter là où tu étais loin d'être attendue, te faufiler pour repartir les mains pleines sans éveiller le moindre soupçon.. bref, ta réputation avait gonflé, au point où elle commença à t'attirer des ennuis. Pour ainsi dire, tu te pensais au dessus de tous ces rats, comme un marionnettiste se targue de la vulnérabilité de ses pantins, et tu en abusais. Tu savais trop de choses, sur trop de gens. Et ces secrets se muaient en véritables bombes à retardement qu'on ne manquerait pas de t'arracher, et à ce moment-là, les liasses ne figureraient plus dans les monnaies d'échange.
Ainsi en 2017, tu plias bagages dans l'optique de quitter la région avant que l'étau n'achève de se resserrer.


× Un endroit où personne n'a entendu ton nom, et où aucune ne te posera de question, voilà ce que tu désirais. Un endroit si paumé qu'on n'imaginerait pas t'y chercher. Depuis ton adolescence, tu rêvais de visiter Kanto ou Unys, mais ces choix s'annonçaient flagrants, non. Netovia. Tu avais rencontré des gens de toutes les contrées au court de tes périples, hors cette île résonnait comme une terre inconnue. Le profil parfait en somme. Sur le trajet, tu juras à ta conscience ; tu tires un trait sur ce passé pour un départ neuf, et tu concrétises cette volonté en teignant tes cheveux en blanc. Même si tu l'avoues, il s'agissait plus d'une folie refoulée qui tombait à point nommé.


× Désormais, tu ne quittais que rarement ton appartement pour t'adonner à ta nouvelle occupation : le streaming. Si certains décrient la légitimité de cette activité naissante, tu t'y adonnais avec un plaisir saisissant. Appréhender des notions inexplorées à partir de zéro valait son pesant d'or. Ainsi, ton quotidien ne ressemblait en rien à celui que tu as abandonné, tant et si bien qu'il ne te manquait plus.


× Jusqu'à ce qu'un beau matin, la Team Boréal n'atterrisse dans ton collimateur. Tu n'as pas oublié ta promesse personnelle, mais ta curiosité l'emporta, une fois n'est pas coutume. Tu t'autorisas quelques recherches à leur sujet, et ne tomba que sur des rumeurs et autres théories farfelues. L'appel du mystère devenait difficile à ignorer : tu aspires à savoir ce qu'ils manigancent. Alors tu cédas à cette envie, et tant pis pour le reste. Tu traînais dans les secteurs les moins recommandables, t'installais dans les bars ou sur les bancs universitaires, à l'écoute et prête à capter la plus maigre des informations. Comme au bon vieux temps.


× Tu en as expérimenté, des échecs, mais celui-ci te coûta cher. D'ordinaire, tu parviens à t'esquiver d'une pirouette. Sauf cette fois. Tu ne résidais plus sur ton territoire, et il te ramena à cette brusque réalité quand il démantela ta couverture avant même que tu frôles la sienne. Cet homme, dont l'identité persévère en une énigme rudement ficelée, tu l'admirais, d'une façon presque hypnotique. Tu visualisais déjà ta fin alors qu'il se pencha vers toi, séduit. Le hasard faisait bien les choses.
Plus que te convaincre de rallier à sa cause, il acheta tes services. Avec le recul, tu te demandes parfois si tu avais eu un semblant de choix, à ce moment-là. Qu'importe, il te proposait une sécurité qui, tu le confesses, ne peut se refuser.


× Pour autant, dès lors que tu eus surmonté le rituel d'initiation qui certifia ton intégration – et qui requit plusieurs jours de rétablissement, tu instauras des distances avec cette organisation. Après tout, ils louaient tes habilités, pas ta présence. Ta confiance n'était pas incluse dans le lot, quand bien même tu te moquais de leurs objectifs et l'éthique de leurs actes. Pour être franche, tu ne saisissais pas comment un Pokémon divin avait pu te désigner digne d'œuvrer en son honneur, alors tu y accordais peu de crédit, pour ne pas crier sur tous les toits que tu les estimais absurdes. Aux réunions, tu te contentais de faire acte de présence pour répondre aux termes de votre accord, mais tu ne participais pas.


× Avec Nogis, vous formez le duo idéal pour l'investigation. Aucune grande offensive n'est lancée sans votre action préalable ; tu œuvres principalement dans la collecte d'informations et dans le repérage. Tu rechignes néanmoins quand tes supérieurs te forcent la main et te réquisitionnent sur le terrain, alors que tu souhaites t'impliquer le moins possible dans ces histoires. Au fond, tu caches un brin de fierté quand tu participes à cette mascarade d'envergure ; ce jeu du chat et de la souris avec l'Empire et la presse ajoute un peu de piment à ton existence et tu ressens un sentiment de liberté rencontré nulle part ailleurs.